Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un Grand Bazar
23 septembre 2009

Rechute

MourranteComme on pouvait s'y attendre, la quantité de textes postés ici a tendance à grandement diminuer. J'ai un peu de temps à perdre aujourd'hui, donc voici de quoi occuper quelqu'un qui tomberait par hasard sur ce blog.
C'est un texte récent, je l'ai écrit il y a quelques semaines (ou quelques mois ? Je ne sais même plus exactement). Du tout frais tout neuf donc.

Celui-ci, je ne sais pas quoi raconter dessus. Vous qui avez du temps à perdre, lisez-le, vous qui êtes pressés, occupés, qui êtes tombés ici par hasard mais ne comptez pas continuer, vous pouvez cliquer sur la flèche, en haut à gauche, et revenir en arrière. C'est tellement simple Internet.

Bonne lecture (ah ?) à ceux qui choisiront de continuer, quant aux autres, merci de votre visite.

Rechute

« Tu sais, je l’entends encore, ce ricanement. J’entends encore rire.

-Mais de quoi tu parles ?

-Le ricanement dont je t’ai déjà parlé, cet immonde écho de rire, qui s’obstine à résonner dans ma tête.

-Justement. Tout ça, c’est dans ta tête, dans ta tête uniquement. Calme-toi. Dors maintenant. Tu n’es pas responsable de tout ça. Prends tes médicaments, et dors. Ca ira mieux demain.

-Mais on rit dans ma tête !

-Dors. Rêve. Ca passera. Va simplement te coucher.

-Ca passe tout le temps, tôt ou tard, mais le répit est toujours de trop courte durée.

-Dors. Arrête de te perturber pour si peu. Prends un somnifère. Ca passera.

-Tu l’entends toi ?

-Dors. »

 

 A mon réveil, le lendemain matin, le ricanement a cessé dans ma tête. Soulagée, je décide de paresser un peu sous les draps. Quel bonheur de n’avoir rien à faire de la journée, et de ne plus entendre ces immondes rires pour quelques jours ! Je crois me souvenir qu’il s’est passé quelque chose, quelque chose qu’il faut que je parvienne à me rappeler. Oh, ma pauvre mémoire… Ma pauvre tête… Je remarque tout à coup que j’ai un début de migraine. Je me traîne jusqu’à la porte de la cuisine, toujours en pyjama. J’ouvre l’un des mignons placards en bois, en sors en cachet d’aspirine et une boîte de somnifère, puis vais me chercher un verre d’eau. Aspirine. Somnifère. Je ne ferai que dormir aujourd’hui.

 Alors que je retourne vers ma chambre, j’entends soudain quelque chose gratter derrière la porte d’entrée. Après un coup d’œil par le judas ne m’éclaire pas davantage sur l’identité de mon mystérieux visiteur. Je pousse un petit soupir. Ca doit encore être lui. Un tour de clef, et j’ouvre la porte à Titan. Le félin vient se frotter contre mes jambes. Tout à coup étrangement fatiguée, je le prends dans mes bras, retourne dans la cuisine avec mon fardeau, m’assieds sur l’une des chaises et commence à le caresser. L’animal ronronne doucement sous ma main.

 

 Je finis par m’éveiller dans ma chambre. Je me redresse et tente de reconstituer les événements. J’ai vaguement le souvenir de m’être traînée jusqu’à mon lit. Soudain, dans le silence de ma petite maison, retentit un miaulement effrayé, aussitôt suivi par un ricanement, bien trop familier. Un instant, je reste figée, parfaitement silencieuse, blottie entre les draps chauds, à guetter les bruits de cette maison immobile. L’ignoble rire ne se refait heureusement pas entendre. Je tâtonne doucement dans le noir, finis par trouver l’interrupteur, et me lève lentement. Dans le miroir, une femme d’un certain âge aux traits tendus et à l’air fatigué me regarde fixement. Elle remet rapidement en place ses cheveux blancs. Je lui adresse un pauvre petit sourire, qu’elle me rend aussitôt. Rassurée, j’enfile rapidement une robe de chambre grise par-dessus ma vieille chemise de nuit.

 Alors que je m’apprête à quitter la pièce, je crois entendre un craquement en provenance de la cuisine. Je me retourne vers mon lit, hésite, puis finis par me saisir d’un parapluie jeté contre le mur. Empoignant fermement mon arme de fortune, je me dirige vers la cuisine. Tout à coup, un détail anormal attire mon attention. La porte d’entrée est ouverte. Je peux, du couloir, voir la lumière des réverbères dehors. Je me dépêche de la refermer, le plus silencieusement possible. Un petit claquement crève soudain le silence au moment où le battant vient cacher la rue. Ce seul son me fait sursauter et manque de m’arracher un petit cri de surprise. Je reste un instant pétrifiée dans le silence de la maison vide. Après quelques secondes qui me semblent durer une éternité, j’ose finalement reprendre ma route vers la cuisine. Une fois à l’entrée de la pièce, je tends l’oreille, mais n’entends absolument aucun son. Courageusement, j’allume alors la lumière, brandissant toujours mon parapluie devant moi. Un hurlement. Mon arme de fortune chute à mes pieds. Le cœur battant, je me retrouve dans ma chambre. Deux tours de clef, vite. Ma tête, oh, ma tête… Ce sinistre ricanement, de nouveau, emplit mes oreilles.

 

 Je ne sais pas tout à fait combien de temps s’est écoulé avant que je réussisse finalement à me calmer. Quand j’ai parfaitement récupéré mes esprits, j’étais recroquevillée sur mon lit, le visage baigné de larmes. Dans ma tête tournent et retournent toutes ces hideuses images. Titan… La chose qui a réussi à entrer chez moi, où est-elle passée maintenant ? Titan, le ventre déchiqueté. Le sang qui ruisselle, semble s’écouler du corps encore agité de l’animal. Ses tripes, exposées à l’air libre, en partie explosées par de violents chocs, comme des coups furieux de fou, ces deux trous ensanglantés qui avaient été des yeux… Et, partout dans la cuisine, cette atmosphère grave, l’odeur de la mort, la lumière froide qui se reflète dans le sang répandu au sol. Dans ma tête, le ricanement reprend soudain. Je me précipite sur la porte de ma chambre. Fermée ! Verrouillée ! Enfermée ! On m’a enfermée ! Les clefs, à portée de main. La petite clef jaune. Elle tourne directement dans la serrure. Vivement, je me jette hors de la pièce.

 Dans la cuisine, Titan git toujours. Silencieux pour l’éternité, ses orbites ensanglantées me fixent, comme pour me reprocher mon sommeil au moment où lui agonisait sur le froid carrelage. Autour de lui, une petite flaque de sang séché et différentes traces brunâtres attestent du crime affreux commis par cette chose. Doucement, je me baisse et me saisis du parapluie abandonné au sol. Je sors en silence de la cuisine. Je prends soudain conscience que la chose qui a tué Titan peut encore rôder dans les parages, et qu’elle est peut-être encore même dans la maison. Ce lieu m’étouffe. J’ai besoin de sortir. De l’air, il me faut de l’air frais. Je veux sortir ! Laissez-moi sortir ! La porte d’entrée… Je me jette contre elle. La poignée, vite ! Elle tourne toute seule, et le battant s’ouvre en grand. Dehors, enfin ! Je me précipite dans la rue, hagarde.

 

 Il fait encore nuit. Je marche rapidement. Je me rends soudain compte que je suis restée pieds nus. Qu’importe. Impossible de retourner là-bas. Je marche. Droit devant moi, sans chercher à savoir où je vais, je me contente d’avancer. A intervalles réguliers, la lumière des réverbères éclaire des tâches de sang séché sur mon parapluie. Sans m’en rendre compte, j’ai dû le faire tomber dans le sang encore frais de Titan. Le pauvre animal… Je revois encore son petit corps déchiré. De nouveau, le sinistre ricanement résonne dans ma tête. Mes pieds me promènent dans la ville silencieuse sans que j’aie réellement conscience du trajet que j’emprunte. Je veux juste m’éloigner de la maison. Parfois, la sensation de froid me saisit soudain, pour disparaître presque aussitôt, comme un mauvais rêve. Le choc de la mort de Titan… Je continue de marcher, sans penser davantage, les pieds gelés.

 Alors que je commence enfin à reprendre mes esprits, j’aperçois soudain Titan. Je m’approche, comme hypnotisée par le fantôme de mon chat, et doucement commence à le caresser de la main gauche. Il ronronne. Ce n’est pas lui, ce n’est pas mon chat, celui-ci est plus mince que mon cher Titan, plus foncé aussi. Je sens, sans vraiment m’en rendre compte, ma main droite raffermir sa prise sur le parapluie. Avec horreur, je me vois soudain frapper le petit animal. Une image du sol de ma cuisine me revient tout à coup. Rageusement, horrifiée, je me vois abattre de nouveau le parapluie sur le pauvre chat, qui tente de me griffer. Sans que je puisse faire quoi que ce soit, mon bras droit frappe de nouveau le félin, brutalement, le transperçant cette fois au niveau du ventre. Ma main gauche le serre à la gorge. Je regarde, affolée, ses yeux inexpressifs qui me fixent, boules de lumière que mon arme détruit en deux coups, dans un jet de sang frais. De nouveau, je revois le sol de la cuisine quand j’ai découvert le cadavre saccagé de Titan. Le sang était sec. Mon bras droit s’abat de nouveau sur le corps détruit de l’animal, qui, dans un dernier sursaut de vie, parvient à me griffer. Encore une fois, je frappe, sans plus rien tenter pour m’empêcher d’agir. L’animal s’effondre au sol, dans une petite flaque de sang. Je contemple mon arme, fascinée par ma propre terreur. Et de ma gorge s’échappe cet ignoble ricanement. Encore une fois.

Publicité
Publicité
Commentaires
Un Grand Bazar
Publicité
Archives
Un Grand Bazar
Albums Photos
Publicité